- Nov 10, 2025
Reconnecter la récupération : Améliorations cognitives et motrices grâce au neurofeedback personnalisé après une résection tumorale
- Brendan Parsons, Ph.D., BCN
- Neurosciences, Neurofeedback, Cancer
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Dans le paysage en constante évolution de la rééducation neuro-oncologique, cette étude de 2025 publiée dans Applied Psychophysiology and Biofeedback présente une intervention prometteuse qui associe le neurofeedback EEG (ÉEG) à une thérapie motrice intensive pour améliorer la récupération après une résection tumorale cérébrale. Les tumeurs du cerveau et du système nerveux central (SNC), bien que de plus en plus traitables, laissent souvent les survivants avec des déficits cognitifs et moteurs invalidants. Les approches de rééducation traditionnelles se concentrent principalement sur la récupération physique, tandis que les altérations cognitives et affectives — telles que les troubles de la mémoire, de l’attention et des fonctions exécutives — peuvent persister longtemps après la chirurgie.
Le neurofeedback, une forme de biofeedback basée sur l’ÉEG, permet aux individus d’apprendre à s’autoréguler en recevant un retour en temps réel sur leur activité cérébrale. Par les mécanismes de la plasticité neuronale hébienne et homéostatique, le neurofeedback peut moduler une activité corticale inadaptée et favoriser la réorganisation neuronale. Bien que son utilité soit bien documentée dans les cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de traumatisme crânien, son application dans la rééducation post-oncologique reste encore peu explorée.
Cette étude, dirigée par Gianvito Lagravinese et ses collègues — dont je suis fier de faire partie — visait à déterminer si un neurofeedback EEG personnalisé pouvait constituer un complément faisable, sûr et efficace à la rééducation motrice chez des patients en phase de récupération après une chirurgie tumorale cérébrale.
Méthodes
Sept patients hospitalisés (5 femmes, 2 hommes; âgés de 46 à 76 ans) présentant des déficits cognitifs postopératoires après résection tumorale ont participé à un programme de rééducation multimodale de trois semaines. Chaque patient a suivi 15 séances de neurofeedback EEG (35 minutes par séance, cinq fois par semaine), combinées à une rééducation motrice quotidienne axée sur la mobilisation, la force et l’équilibre.
Protocoles de neurofeedback
Les enregistrements EEG ont utilisé le système international 10–20 avec un appareil BE PLUS PRO à 21 canaux. Les sites actifs — Cz, C3, C4, F3 ou FCz — étaient individualisés selon la localisation de la lésion et les anomalies en qEEG. Les protocoles ciblaient l’inhibition des bandes thêta (4–7,5 Hz) et haute bêta (22–26 Hz) tout en récompensant soit la bande bêta basse (13–18 Hz), soit le rythme sensorimoteur (RSM; 12–15 Hz). Le choix de la bande récompensée dépendait du profil clinique :
Protocole thêta/bêta : utilisé pour les déficits attentionnels ou exécutifs, récompensant la bande bêta basse.
Protocole RSM/thêta : utilisé pour les dysfonctionnements sensorimoteurs ou la dérégulation de l’éveil, récompensant le RSM.
Les seuils étaient ajustés manuellement pour maintenir environ 70 % de renforcement, garantissant l’engagement du patient. Cette approche individualisée visait à optimiser l’autorégulation corticale et à favoriser une plasticité neuronale adaptative.
Évaluations
Les évaluations pré- et post-intervention comprenaient :
Électroencéphalogramme quantitatif (qEEG) : mesure de la puissance absolue et relative et des rapports spectraux (Delta/Bêta, Thêta/Bêta, Alpha/Haut-Bêta).
Bilan neuropsychologique : évaluation de la cognition globale, de l’attention, de la mémoire, des fonctions exécutives, des capacités visuospatiales, du langage et de l’humeur (MMSE, RAVLT, Stroop, BDI-II, STAI).
Résultats moteurs : mesurés via l’indice de Barthel modifié (MBI) et la mesure d’indépendance fonctionnelle (FIM).
Les analyses de l’indice de changement fiable (RCI) ont permis de déterminer si les changements dépassaient la variabilité attendue des tests.
Résultats
Tous les participants ont terminé le protocole sans effet indésirable. Les analyses qEEG ont révélé des modulations mesurables chez tous les patients. Plusieurs ont montré une normalisation des rapports Delta/Bêta, signe d’une amélioration de l’activation corticale et de la régulation attentionnelle.
Le patient 1 a montré une normalisation étendue sur toutes les bandes de fréquences (notamment Delta : ΔZ = –4,69) et des améliorations cliniques notables en mémoire, langage, humeur et performance motrice.
Les patients 2 et 3 ont présenté une réduction significative des rapports Thêta/Bêta, associée à une amélioration de l’attention et des fonctions exécutives.
Les patients 5 à 7 ont bénéficié des protocoles RSM, montrant des progrès moteurs et affectifs.
Des améliorations cognitives fiables ont été observées chez tous les patients, en particulier dans la fluence verbale, la mémoire de travail et le traitement visuospatial. Les gains fonctionnels (FIM, BIM) étaient significatifs, plusieurs patients retrouvant une autonomie accrue dans les activités de la vie quotidienne.
Une corrélation clé est apparue : la réduction du rapport Delta/Bêta était significativement associée à une meilleure mémoire verbale différée (ρ = –0,83, p = 0,02), suggérant un marqueur neurophysiologique de la récupération mnésique.
Discussion
Cette série de cas met en lumière le potentiel multidimensionnel du neurofeedback comme complément à la rééducation neuro-oncologique. L’intégration d’un retour EEG personnalisé à une thérapie motrice intensive a entrainé des améliorations cohérentes tant au niveau cortical que comportemental. Ces résultats s’alignent avec les études menées sur les populations victimes d’AVC et de traumatisme crânien, soulignant la capacité du neurofeedback à renforcer la plasticité cérébrale et l’autorégulation par le biais d’un apprentissage par renforcement.
D’un point de vue clinique, la possibilité de cibler des déséquilibres neuronaux spécifiques — tels que les rapports Delta/Bêta élevés associés à une hypoactivation ou à des déficits attentionnels — représente une avancée vers une rééducation individualisée. Le couplage de l’entrainement moteur et cognitif exploite la plasticité croisée entre systèmes, optimisant ainsi l’efficacité de la récupération.
Les limites incluent la petite taille de l’échantillon, l’absence de groupe contrôle et l’absence de suivi systématique des stratégies mentales adoptées. Néanmoins, cette étude démontre la faisabilité et fournit une base solide pour l’intégration du neurofeedback dans les programmes de rééducation standard.
La perspective de Brendan
Le neurofeedback dans la rééducation neuro-oncologique représente la prochaine frontière des neurosciences appliquées : restaurer l’autorégulation après une atteinte cérébrale structurelle. Ce qui ressort de cette étude, au-delà des données, c’est le réalisme clinique : des protocoles individualisés guidés par le qEEG, mis en œuvre dans un contexte hospitalier réel, produisant des résultats tangibles.
En pratique, ces résultats plaident pour une personnalisation guidée par l’ÉEG — utiliser le qEEG non seulement pour évaluer, mais aussi pour prescrire. Chez les patients présentant une activité lente excessive (Delta/Thêta) sur les zones centrales ou frontales, un entrainement de réduction Thêta/Bêta sur Cz ou Fz est une approche logique. En revanche, pour les patients présentant une dysrégulation motrice, l’augmentation du RSM sur Cz ou C4 (12–15 Hz) favorise la stabilisation des boucles thalamocorticales.
Les pratiques futures pourraient intégrer une adaptation en temps réel du qEEG, ajustant les fréquences de récompense à mesure que l’équilibre cortical évolue. Associer le neurofeedback à des approches basées sur la pleine conscience ou à un biofeedback de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) pourrait renforcer la régulation croisée, notamment pour la résilience affective après chirurgie.
Cliniquement, nous assistons à une redéfinition de la rééducation neurologique, fondée sur la capacité du cerveau à se réorganiser même après des interventions invasives. Ces résultats invitent les praticiens à considérer le neurofeedback non pas comme un complément expérimental, mais comme un élément essentiel du processus de récupération.
Conclusion
Cette série de cas exploratoire démontre que l’intégration du neurofeedback EEG à une rééducation motrice intensive est faisable, sure et potentiellement transformatrice pour les patients en convalescence après une chirurgie cérébrale. Les améliorations de l’attention, de la mémoire et des fonctions exécutives ont été parallèles à une normalisation des schémas EEG spectraux, illustrant le potentiel neuroplastique du cerveau en récupération.
Bien que des essais contrôlés randomisés soient nécessaires, cette étude renforce une vérité croissante en neurosciences : lorsqu’il est guidé avec précision, le cerveau peut véritablement apprendre à se guérir lui-même.
Référence
Lagravinese, G., Nicolardi, V., Aresta, S., Guglielmo, M., Tagliente, S., Montenegro, F., Battista, P., Parsons, B., & De Trane, S. (2025). Rewiring recovery: Cognitive and motor gains through personalized neurofeedback after tumor resection—A case series from neurorehabilitation practice. Applied Psychophysiology and Biofeedback.https://doi.org/10.1007/s10484-025-09743-9
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