- Nov 17, 2025
Neurofeedback chez les athlètes : une revue de la littérature
- Brendan Parsons, Ph.D., BCN
- Optimization de la performance, Neurosciences, Neurofeedback
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De nouvelles recherches émergentes apportent un éclairage important sur l’utilisation du neurofeedback basé sur l’ÉEG (NFB) pour améliorer la performance dans des populations variées : athlètes d’élite, sportifs amateurs et non‑athlètes. La revue de portée réalisée par Zacarias et coll. (2025) synthétise les résultats de 48 études et offre une vue d’ensemble claire de la manière dont le neurofeedback est utilisé, testé et interprété en laboratoire et dans des environnements sportifs. Cet ensemble méthodologique hétérogène illustre à la fois le potentiel du domaine et les défis qui persistent.
Le neurofeedback, forme spécialisée du biofeedback, utilise l’électroencéphalographie (ÉEG) en temps réel pour permettre à la personne d’apprendre à réguler son activité cérébrale. Le biofeedback, plus largement, implique l’enregistrement de signaux physiologiques, tels que le rythme cardiaque, la respiration ou la conductance cutanée. Le neurofeedback, lui, s’intéresse spécifiquement aux rythmes neuronaux et fournit un retour contingent à l’activité cérébrale ciblée. En combinant ce retour d’information avec des mécanismes d’apprentissage adaptatifs, notamment le conditionnement opérant et l’autorégulation volontaire, ces techniques facilitent la neuroplasticité et influencent la performance cognitive et émotionnelle.
Les résultats synthétisés par Zacarias et ses collègues mettent en évidence plusieurs tendances robustes : amélioration de l’attention, diminution du temps de réaction, exécution motrice plus stable et meilleure autorégulation sous pression. Des athlètes de disciplines aussi diverses que le tir à l’arc, le golf, le judo, le volley, le rugby et le tir sportif montrent des bénéfices mesurables après un entrainement en neurofeedback. Les non‑athlètes montrent également des améliorations cognitives, notamment en mémoire de travail, contrôle inhibiteur et attention soutenue.
Cependant, malgré ces résultats prometteurs, la revue souligne que la variabilité méthodologique constitue un obstacle majeur. De nombreuses études n’utilisent pas de véritables groupes sham, s’appuient uniquement sur des évaluations pré–post à court terme ou omettent des détails essentiels quant aux paramètres ÉEG utilisés. De plus, aucune n’a employé des techniques modernes de paramétrisation spectrale, comme FOOOF, qui distinguent les composantes oscillatoires de la composante apériodique 1/f. Ces lacunes compliquent l’interprétation scientifique et réduisent la capacité des cliniciens et entraineurs à appliquer les résultats de façon précise.
À mesure que le neurofeedback gagne en importance dans les neurosciences appliquées et l’optimisation des performances sportives, il devient crucial d’améliorer les méthodes, la transparence et la validité écologique. L’essor des systèmes ÉEG portables et des protocoles d’entrainement directement intégrés aux séances sportives laisse présager un futur où le neurofeedback s’insère naturellement dans la préparation physique et mentale des athlètes. Cette revue permet ainsi de mieux comprendre comment faire évoluer l’utilisation du neurofeedback et comment l’intégrer efficacement dans les pratiques de terrain.
Méthodes
La revue de portée de Zacarias et coll. s’aligne sur les recommandations PRISMA‑ScR. Les auteurs ont enregistré un protocole prospectif sur l’Open Science Framework (OSF), renforçant la transparence et la rigueur méthodologique. Une recherche large a été effectuée dans plusieurs bases de données scientifiques majeures.
Sélection des études
Parmi 1779 enregistrements initiaux, seuls 48 articles ont été retenus. Les études devaient inclure des adultes (≥18 ans) et utiliser le neurofeedback basé sur l’ÉEG comme intervention principale. Seules celles comprenant des mesures objectives neurophysiologiques ou cognitives validées ont été incluses. Les études reposant uniquement sur l’auto‑évaluation, ou présentant des descriptions méthodologiques insuffisantes, ont été exclues.
Les populations étudiées comprenaient trois groupes : athlètes d’élite, sportifs amateurs et non‑athlètes, selon des seuils d’activité métabolique définis par le Compendium of Physical Activities. Les disciplines représentées étaient variées : tir à l’arc, golf, judo, cyclisme, rugby, natation, football, etc.
Caractéristiques des protocoles et méthodes de neurofeedback
Les protocoles étaient très hétérogènes : types de rythmes ÉEG ciblés, montages d’électrodes, durée et nombre de séances, fréquence d’entrainement et modalités de feedback. Le protocole SMR (12–15 Hz) était le plus fréquent, notamment dans les sports exigeant une grande stabilité attentionnelle et motrice. Les entrainements thêta/bêta et alpha étaient également courants, tandis que des approches plus spécifiques, ILF, protocoles ciblant les potentiels évoqués, étaient minoritaires.
La durée des protocoles variait considérablement, allant d’une séance unique à des séries de 12–20 séances réparties sur plusieurs semaines. Les sites les plus utilisés étaient Cz, C3 et C4, liés au contrôle sensorimoteur. D’autres études ciblaient des régions pariétales ou frontales en fonction des objectifs cognitifs.
Concernant les groupes sham, seuls 29 % des études utilisaient un sham actif, et seuls 6 % un sham totalement déconnecté du signal ÉEG. La majorité se contentait de groupes passifs ou de l’absence de groupe contrôle.
Analyse ÉEG et pratiques de rapport
Aucune étude n’a utilisé la paramétrisation spectrale moderne (FOOOF). Toutes reposaient sur une analyse classique en puissance spectrale utilisant des bandes fixes, sans détailler les paramètres essentiels (fenêtre FFT, filtres, méthodes de rejet d’artéfacts, etc.). Aucun jeu de données n’était disponible en accès libre.
Ces limites soulignent l’importance d’une plus grande transparence en recherche comme en pratique clinique.
Résultats
Les 48 études incluses montrent des tendances convergentes malgré l’hétérogénéité. Les mesures cognitives, attention, mémoire de travail, fonctions exécutives étaient les plus fréquentes. Vingt‑cinq études présentaient des données neurophysiologiques (spectre ÉEG, potentiels évoqués, LORETA, etc.).
Résultats neurophysiologiques
Les protocoles SMR et alpha montraient la plus grande cohérence :
augmentation du SMR à Cz associé à de meilleures performances de tir ou de précision ;
augmentation de l’alpha pariétal liée à une meilleure préparation mentale, une flexibilité cognitive accrue et une plus grande stabilité émotionnelle.
Le ratio thêta/bêta donnait des résultats variables. Les études utilisant les potentiels évoqués rapportaient des augmentations de P3 et N2, suggérant un meilleur contrôle inhibiteur.
Résultats cognitifs et comportementaux
Les bénéfices rapportés incluaient des temps de réaction plus rapides, une attention soutenue améliorée, une coordination sensorimotrice plus stable, et des gains spécifiques à la discipline (golf, judo, rugby, etc.). Cependant, près d’un tiers des études manquaient de groupe sham, et 40 % n’incluaient aucun suivi longitudinal.
Observations méthodologiques
Les limites incluaient : absence d’aveuglement, absence de pré‑enregistrement, manque de détails sur les paramètres ÉEG, reproductibilité limitée. Malgré cela, l’ensemble des données suggère des améliorations modérées, mais réelles.
Discussion
Les résultats montrent un paysage prometteur, mais méthodologiquement instable. Bien que les études suggèrent des gains en attention, réactivité et préparation mentale, l’hétérogénéité empêche des conclusions fermes. Le SMR semble particulièrement pertinent pour les tâches motrices fines ; l’alpha pour les sports exigeant une forte demande visuospatiale.
Le manque de groupes sham solides complique l’interprétation. La validité écologique est également un enjeu majeur : les protocoles en laboratoire ne reflètent qu’une faible partie des exigences réelles du sport.
Perspective intégrative
Pour appliquer ces résultats en milieu clinique ou sportif, plusieurs principes clés se dégagent :
transparence et reproductibilité ;
utilisation de méthodes modernes comme FOOOF ;
renforcement de la validité écologique et du suivi longitudinal ;
intégration avec d’autres modalités (biofeedback, cohérence cardiaque, respiration, etc.).
La perspective de Brendan
Individualisation des protocoles en neurofeedback sportif
La variation des protocoles entre les études rappelle une vérité bien connue des cliniciens : aucun protocole standard ne fonctionne pour tout le monde. Deux athlètes d’élite du même sport peuvent présenter des profils ÉEG radicalement différents. C’est pourquoi l’individualisation, fondée sur l’évaluation ÉEG, l’analyse ÉEGq, les besoins spécifiques de la discipline et les caractéristiques psychophysiologiques de l’athlète, devient essentielle. Un joueur de golf sujet à une suractivation anxieuse n’aura pas les mêmes besoins qu’un escrimeur ayant des difficultés de concentration soutenue. Pour le premier, une augmentation de l’alpha pariétal pourra favoriser un état de calme et de fluidité cognitive ; pour le second, un entrainement SMR à Cz pourra renforcer la stabilité attentionnelle et la précision motrice.
Le clinicien doit éviter les approches standardisées et partir du fonctionnement réel de l’athlète : son profil spectral, son niveau d’activation de base, ses schémas de réactivité émotionnelle et les exigences fluctuantes de son sport. Ce niveau d’individualisation, systématique et nuancé, constitue la clé d’un entrainement efficace.
Le décalage entre le neurofeedback en laboratoire et l’entrainement sur le terrain
Un des éléments les plus frappants de la revue est l’écart considérable entre les protocoles réalisés en laboratoire et les besoins réels des athlètes. Les études en laboratoire bénéficient d’un environnement contrôlé, d’un signal ÉEG propre et d’une stabilité méthodologique. Pourtant, la performance sportive se déroule dans un monde vivant : bruit, incertitude, adrénaline, fatigue, interactions sociales, pression compétitive.
Un athlète ne doit pas seulement apprendre à réguler son cerveau dans un fauteuil, mais au cœur de l’action. Les protocoles sur le terrain, grâce aux casques ÉEG portables (toujours de grade clinique/recherche), offrent une validité écologique incomparable.
Les artéfacts de mouvement ? Inévitables. Le bruit environnemental ? Normal. Les fluctuations physiologiques liées à l’effort ? Présentes et pertinentes.
L’objectif n’est pas d’obtenir un ÉEG parfaitement propre, mais d’aider l’athlète à développer une autorégulation robuste malgré la complexité du contexte. Quelques minutes d’entrainement alpha ou SMR intégrées entre des séries d’exercices peuvent parfois avoir un impact bien supérieur à une séance parfaitement calibrée, mais décontextualisée.
Combiner neurofeedback et biofeedback pour optimiser la régulation athlétique
Les athlètes ne rencontrent pas seulement des difficultés d’attention ou de rythme cérébral. Le stress physiologique, la variabilité émotionnelle et les états corporels jouent un rôle immense dans la performance. Combiner le neurofeedback avec le biofeedback permet d’aborder ces dimensions de manière synergique.
Les bénéfices d’une approche combinée incluent :
une meilleure stabilité émotionnelle sous pression ;
une capacité améliorée de transition entre activation et récupération ;
une meilleure clarté mentale en situation de fatigue ;
une conscience corporelle accrue ;
une régulation autonome renforcée.
Par exemple :
associer un entrainement SMR avec un entrainement de cohérence cardiaque peut stabiliser l’activation physiologique ;
combiner alpha et respiration diaphragmatique optimise la préparation mentale pré-performance ;
associer downtraining bêta et conductance cutanée aide les athlètes sujets au stress ou à l’impulsivité.
Cette approche multimodale augmente la transférabilité des compétences d’autorégulation vers le contexte sportif réel.
Conclusion
La revue de Zacarias et coll. offre une synthèse vaste et nuancée du paysage actuel du neurofeedback basé sur l’ÉEG chez les athlètes et non-athlètes. Les résultats suggèrent un potentiel réel pour améliorer l’attention, le contrôle moteur et la préparation mentale. Toutefois, les limites méthodologiques, faible qualité des groupes sham, analyses ÉEG insuffisantes, faible validité écologique, restent importantes.
Pour faire avancer le domaine, il sera essentiel :
d’adopter des outils analytiques modernes comme FOOOF ;
d’utiliser des conceptions expérimentales rigoureuses et transparentes ;
d’intégrer le neurofeedback dans des environnements sportifs réels ;
de combiner le neurofeedback avec des méthodes de biofeedback pour renforcer les progrès.
Le potentiel du neurofeedback ne réside pas seulement dans la modification de rythmes cérébraux, mais dans le développement d’une autorégulation durable, flexible et robuste. Lorsqu’il est individualisé et intégré dans des environnements réalistes, il devient un outil puissant au service de la performance humaine.
Références
Zacarias, R. M. G., Bulathwatta, D. T., Bidzan-Bluma, I., de Jesus, S. N., & Correia, J. M. (2025). EEG-based neurofeedback in athletes and non-athletes: A scoping review of outcomes and methodologies. Bioengineering, 12(11), 1202. https://doi.org/10.3390/bioengineering12111202
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